Faute de mesures urgentes, nous nous dirigeons vers une extinction massive, la destruction de la flore et de la faune, à une échelle jamais observée depuis la disparition des dinosaures il y a environ 65 millions d’années.
La biodiversité fait référence à la variété des formes de vie sur Terre. Selon les estimations du Forum économique mondial, plus de la moitié de la production économique de la planète, soit près de 44 000 milliards de dollars, dépend dans une mesure plus ou moins grande de la nature et des écosystèmes sains. D’où l’urgence d’opérer un changement.
Des mesures ont déjà été prises, le monde finissant par prendre conscience de la nécessité impérieuse de protéger les systèmes indispensables à la vie sur Terre.
La perte de biodiversité - La prochaine crise environnementale est abordée dans le premier des deux rapports qui souligne l’importance capitale de préserver la biodiversité pour soutenir une croissance durable. La série s’intéresse à l’ampleur de la perte de biodiversité, à la réglementation et aux évolutions actuelles.
Elle porte également sur les implications pour les investisseurs et sur le rôle que nous pouvons jouer dans la préservation du capital naturel, à savoir les stocks d’actifs naturels, dont la géologie, les sols, l’air, l’eau et toutes les espèces vivantes.
Le secteur financier et celui de la gestion de patrimoine en particulier, a un rôle crucial à jouer dans la préservation de la biodiversité. Nous devons faire davantage dans les quatre domaines suivants pour stopper et même inverser les tendances actuelles :
1. Défense des politiques - veiller à ce que les engagements pris soient crédibles
De nombreux engagements ont été pris pour protéger la biodiversité. Par exemple, lors de la dernière conférence sur le changement climatique COP26 de l’an dernier, 141 pays (représentant plus de 91 % des forêts restantes de la planète) se sont engagés à stopper et à inverser la destruction des forêts et la dégradation des sols d’ici 2030.
Dans le même temps, l’Union européenne (UE) propose une réglementation destinée à freiner la déforestation. Les classifications officielles devraient être également modifiées afin d’inciter les investisseurs à prendre davantage en considération l’impact de la perte de biodiversité.
Ce mesures vont dans le bons sens mais elles doivent être transposées dans une loi contraignante. À travers la collaboration et le lobbying politique, nous pouvons faire pression afin que ces nouvelles règles soient suffisamment incitatives pour contraindre les acteurs concernés à s’y conformer.
2. Plaider en faveur d’une juste valorisation des services fournis par les écosystèmes
Une valeur monétaire doit être attribuée à la nature de la même manière que nous utilisons les prix du carbone pour favoriser la décarbonation de l’économie. Cela implique de quantifier les bénéfices économiques des écosystèmes sains et de déterminer le coût financier de leur dégradation.
Le processus en est encore à ses débuts, mais il met dès à présent l’accent sur la capacité des systèmes naturels tels que les forêts, les tourbières et les prairies sous-marines, à absorber l’excès de carbone de l’atmosphère. La valeur monétaire est calculée à partir de crédits carbone.
C’est une méthode très restrictive pour mesurer la valeur économique de ces habitats naturels. La valeur monétaire doit être attribuée aux autres façons par lesquelles ces systèmes naturels fournissent une valeur économique. En se focalisant uniquement sur le carbone, on court le risque de négliger les autres bénéfices apportés par la biodiversité.
Nous pouvons contribuer à mettre en valeur les nouvelles manières de quantifier la valeur économique des écosystèmes et promouvoir ces nouvelles idées auprès des décideurs politiques et des propriétaires d’actifs.
3. Innovation dans des secteurs clés
En tant qu’investisseurs, nous pouvons soutenir, à travers une implication active et des investissements ciblés, l’intervention radicale qui est nécessaire pour restructurer des secteurs clés qui peuvent avoir le plus d’impact sur les systèmes indispensables à la vie sur Terre. Voici les trois secteurs dans lesquels nous constatons des opportunités d’innover :
- Agroalimentaire ;
- Agriculture ;
- Construction.
Par exemple, l’industrie agroalimentaire est le principal responsable de la perte de biodiversité. Elle est à la biodiversité ce que les carburants fossiles sont au changement climatique.
Pour répondre à la hausse de la demande pour nourrir une population qui ne cesse d’augmenter, nous devons changer la façon dont nous cultivons nos aliments. Les principaux axes d’innovation sont la viande de culture, les protéines d’origine végétale, l’agroforesterie, l’agriculture régénérative et l’agriculture de précision.
4. Mettre au point des solutions d’investissement
Notre mission est de gérer au mieux l’argent de nos clients en leur proposant un large éventail de solutions conçues pour répondre à leurs besoins.
Une étude récente a montré que le soutien aux entreprises écoresponsables augmente dans les pays développés et les émergents. The Economist Intelligence Unit, commandité par World Wildlife Fund (Fonds mondial pour la nature), a fait état d’une hausse de 71 % des recherches sur Internet à travers le monde de biens durables au cours des cinq dernières années. Nos propres clients sont de plus en plus nombreux à nous demander des renseignements sur notre approche à l’égard de la biodiversité.
Face à cet intérêt croissant, le développement de nouveaux instruments de placement devrait s’accélérer. Intégrés au marché en pleine croissance des solutions écologiques, les fonds qui ciblent les entreprises spécialisées dans la protection de la biodiversité devraient se tailler la part du lion.
À titre d’exemple, nous avons investi dans un projet de création de terres boisées en Écosse afin de soutenir des solutions fondées sur la nature dans le cadre de notre stratégie de neutralité carbone. Ce projet, réalisé dans le Parc national de Cairngorms, couvre plus de 1400 hectares et représentera l’un des plus grands projets de reforestation et de réhabilitation des tourbières au Royaume-Uni.
Le moindre gain net de biodiversité sera suivi et rapporté selon une approche scientifique de pointe, mise en œuvre par une équipe d’écologistes.
La Bourse de New York et l’Intrinsic Exchange Group sont par ailleurs en train de mettre au point une nouvelle classe d’actifs fondée sur la nature et les bénéfices qu’elle apporte.
Le rôle des institutions financières - nous devons tous faire davantage
Les institutions financières ont un grand rôle à jouer dans la préservation de la biodiversité de la planète.
C’est pourquoi la biodiversité est une priorité pour nous, un aspect que nous étudions dans le cadre de notre recherche, dans nos échanges avec les entreprises et dans notre score environnemental, social et de gouvernance (ESG) breveté.
Nous soutenons également le Groupe de travail consacré aux informations financières liées à la nature (TNFD) pour améliorer l’uniformité du reporting et nous sommes signataires de l’appel à agir Business for Nature - La nature est l’affaire de tous.
Nous et le secteur de la gestion d’actifs tout entier devons toutefois faire plus. Ce ne sont que quelques-unes des premières mesures qui marquent le début d’une démarche longue mais très importante.
Source :
* The Economics of Biodiversity: The Dasgupta Review – Rapport complet (2021) [en ligne], Dasgupta, P. (consulté le 21/05/2021)
**’Grain for green’: How China is swapping farmland for forest, Dayne, S., Forest News, novembre 2017
*** Nature’s Make or Break Potential for Climate Change, The Nature Conservancy, octobre 2017
***** The value of the world’s ecosystem services and natural capital, Nature, Costanza et al., 1997, pp.387; 253-260